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Le feu pétille
Joyeusement
Dans la cheminée
Il a d’abord mangé quelques brindilles
Une bonne entrée en appétit
Puis les journaux les coquilles de noix
Ont été avalés
Encore plus vite
Le voici maintenant qui s’étale
Sur de belles bûches fendues
De chêne savoureux
Il ronronne comme un chaton
En lâchant sa fumée
Par le conduit
Jusque dans les nuées
Chargées de pluie
Par les carreaux mouillés
On la voit s’éloigner
Balayée par le vent
Et l’on se sent si bien dedans
Au chaud
Devant les flammes dansantes
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Un abri
Entre deux murets
Sous la soupente
La pluie grésille
Sur la tôle translucide
Basse et pentue
De part et d’autre
L’eau s’égoutte
Lentement
Formant des mares
Et des ruisseaux
Sur le côté
On voit des toits
Et les cimes des arbres
Pas de bombes
Juste la pluie du ciel
Quelle chance
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En ce moment, les musiciens ne peuvent pas manquer de se remémorer sans cesse la superbe musique composée par Moussorgski sur La Grande Porte de Kiev, un tableau de Victor Hartmann, pour clore ses Tableaux d'une exposition.
La seule grande porte existant à Kiev s'appelle en fait Porte Dorée et remonte au XIe siècle. Détruit à l'époque mongole puis reconstruit, cet édifice ne ressemble en rien à celui du tableau (voir ici la page de Wikipedia), mais il semble que cette toile soit un projet architectural proposé lors d'un concours lancé par le tsar Alexandre II en 1866, qui n'aurait jamais été réalisé.
Cependant la splendeur de la page de Moussorgski, surtout sous sa forme orchestrée par Maurice Ravel, rend un indéniable hommage à la bravoure des Ukrainiens et ne cesse de me trotter dans la tête depuis quelque temps.
Dans l'enregistrement que j'ai choisi, la vidéo commence au tableau précédent, Baba Yaya ou la cabane sur des pattes de poule, car celui-ci enchaîne directement sur le tableau final, dans une apothéose. C'est pourquoi j'ai calé le démarrage de la diffusion sur le passage qui nous intéresse. Vous pouvez en trouver un beau commentaire sur wikipedia ici.
L'interprétation est celle de l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Myung-Whun Chung en 2011. Vous entendrez par deux fois passer tout doucement sous cette porte une procession religieuse en prière... C'est vraiment très d'actualité. Quand on entend cela on a l'impression que Kiev ne peut, vraiment, pas mourir !!
(NB : Hélas, à cette époque, l'Ukraine faisait encore partie de la Russie...)
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Les jours s’éclaircissent
Le vélo enfermé dans la cave
S’ennuie
Il faut le sortir un peu
Comme il est content
Il file au bord de l’eau
Regardant les canards
Les petites cascades
Les nombreux ponts de bois
Reliant à la route
Habitations ou pâturages
Il explose de joie
À voir certains arbustes
Déjà couverts de fleurs
Roses mauves ou blanches
Tandis qu’au sol
Fleurissent les jonquilles
Et les primevères
Il tressaute sur le macadam défoncé
Sous des pins
Approchant du moulin
Au beau cadran solaire
Puis il rejoint la ville
En côtoyant des ânes
Et des moutons
Hélas
En ville
C’est autre chose
Vivement le garage
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Sur les réseaux sociaux, j'ai découvert un extrait de "l'Été", d'Albert Camus, qui tourne un peu dans toutes les langues sauf en français, et suis allée le rechercher sur "dico-citations".
J'ai bien fait (du moins j'espère n'être cette fois pas trompée), car ces citations en diverses langues sont paraît-il des "fakes", elles auraient modifié le texte original (voir ici).
Voici donc le texte dans la version que j'espère authentique.
« À midi, sur les pentes à demi sableuses et couvertes d’héliotropes comme d’une écume qu’auraient laissée en se retirant les vagues furieuses des derniers jours, je regardais la mer qui, à cette heure, se soulevait à peine d’un mouvement épuisé et je rassasiais les deux soifs qu’on ne peut tromper longtemps sans que l’être se dessèche, je veux dire aimer et admirer. Car il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer. Nous tous, aujourd’hui, mourons de ce malheur. C’est que le sang, les haines décharnent le cœur lui-même ; la longue revendication de la justice épuise l’amour qui pourtant lui a donné naissance. Dans la clameur où nous vivons, l’amour est impossible et la justice ne suffit pas. C’est pourquoi l’Europe hait le jour et ne sait qu’opposer l’injustice à elle-même. Mais pour empêcher que la justice se racornisse, beau fruit orange qui ne contient qu’une pulpe amère et sèche, je redécouvrais à Tipasa qu’il fallait garder intactes en soi une fraîcheur, une source de joie, aimer le jour qui échappe à l’injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise. Je retrouvais ici l’ancienne beauté, un ciel jeune, et je mesurais ma chance, comprenant enfin que dans les pires années de notre folie le souvenir de ce ciel ne m’avait jamais quitté. C’était lui qui pour finir m’avait empêché de désespérer. J’avais toujours su que les ruines de Tipasa étaient plus jeunes que nos chantiers ou nos décombres. Le monde y recommençait tous les jours dans une lumière toujours neuve. Ô lumière ! c’est le cri de tous les personnages placés, dans le drame antique, devant leur destin. Ce recours dernier était aussi le nôtre et je le savais maintenant. Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible. »
Albert Camus, "L’ été", Retour à Tipasa, 1954
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