-
Rûmî Ode mystique 828
Celui à qui s'est dévoilé le mystère de l'amour,
Celui-là n'est plus, car il s'est effacé dans l'amour.
Place devant le soleil la chandelle ardente
Et vois comme son éclat disparaît devant ces lumières :
La chandelle n'existe plus, la chandelle s'est transmuée en lumière.
Il n'y a plus de signes d'elle, elle-même est devenue signe.
Il en va de même du feu corporel dans la lumière de l'esprit :
Il ne reste pas feu, il devient cette flamme.
Le ruisseau court à la recherche de l'océan ;
Il se perd quand il est noyé dans l'océan.
Tant que la recherche existe, le cherché n'est pas connu ;
Quand l'objet de cette recherche est atteint, cette recherche devient vaine.
Donc, tant que cette recherche existe, cette quête est imparfaite.
Quand la recherche n'est plus, elle acquiert alors la suprématie.
Tout être sans amour qui cherche un turban
Est dépourvu de tête, il n'est que turban,
Jusqu'à ce qu'il aperçoive soudain une beauté au visage de rose :
Ce turban et sa tête ne sont alors pour lui qu'une épine.
Comme moi, il est devenu, dans la passion qu'inspire Shams-od-Dîn1,
Celui qui dans son cœur recèle tous ces secrets.1Shams-od-Dîn : Derviche errant dont la rencontre conduisit Rûmî à l'Illumination. De plus, le nom de "Shams" signifie "Soleil".
Un enseignement magnifique, mais qui n'acquiert sa portée qu'à l'issue de longues années de dévotion et d'abandon de soi.
En effet, la chandelle évoquée doit d'abord être allumée et posée sur la fenêtre ; ou encore : aucune lumière ne traversera une vitre obscurcie par le sable !
Autrement dit, cette ode ruisselante de gratitude, comme toutes les odes de Rûmî, ne peut être comprise vraiment que de celui qui a parcouru un long chemin déjà... et qui par exemple, a déjà été bouleversé par "un visage de rose", ou blessé par la flèche puissante de l'Amour divin.
-
Commentaires
C'est beau. Une invitation à ouvrir son coeur sensible. L'émotion face à la beauté nous submerge parfois, face à la détresse de l'autre, aussi. Parfois je me dis qu'ouvrir son coeur, en continu, doit être une terrible épreuve qui rend difficile l'immersion dans la vie.
-
Jeudi 11 Février 2021 à 15:10
Oui, cette vision de l'ouverture du cœur peut même devenir insoutenable, lorsque l'on voit la détresse d'autrui et ne peut l'apaiser. C'est pourquoi je parlais d'un "long chemin", car c'est celui de chercher d'abord la Source, Dieu ou Celui qui Est ; et pour ceux qui se sont immergés et Lui (Elle), l'Amour dit-on les remplit aussitôt d'une magnificence et d'une plénitude qui n'est plus que joie, et peut permettre d'être beaucoup plus efficace ensuite dans l'aide au prochain, car alors, c'est cet Amour Divin que l'autre ressent en vous et qui le soutient.
-
Notre personne est si limitée qu'elle ne peut imaginer élargir son coeur, son corps, pour exprimer, pour faire passer ce qui est si vaste. Juste veiller sur la conscience d'avoir les pieds sur Terre, d'être là... cela suffit pour nous, sinon on croule sous le poids à moins qu' on se sent super fort alors qu'on est bouffi d'orgueil. Ce n'est pas facile de se positionner avec naturel... on préfère parfois mettre un frein mais ces choses là ne peuvent être endiguées... plutôt que de choisir entre étouffement et folie, il reste l'alternative du chemin vers la Joie... c'est le travail de toute une vie. On y avance par tout petits pas.
C'est comme en poésie, la poésie s'exprime en nous, on ne peut dire "je suis un poète".
L'amour, la compassion passe par nous de même, on ne peut pas dire : "Je suis un être plein de compassion, plein d'amour".
Comme le lait des mères... nous ne sommes pas le lait.
Peut-être que cet amour est appelé à être aussi naturel sur Terre que le lait des mères.
Ajouter un commentaire
Je reviendrai. Juste vous dire que j'ai "résonné" à ce que vous écriviez chez Marie, bonheur du jour. J'y ai répondu.
Merci!!!
Je suis allée voir. Merci en effet.