• Le sourire et la prière

     

     

     « Il y a "faire un sourire", et il y a "être un sourire" ; et ce qu'on est, c'est le sourire ; c'est ouvert. »

    Pierre Leré-Guillemet

     


    (la vidéo démarre très peu avant la phrase citée)

     

        Je me suis arrêtée là-dessus, alors que j'écoutais cette longue vidéo avec mon smartphone dans ma poche et les écouteurs dans les oreilles, tout en désherbant laborieusement mes bordures d'allées de jardin et quelques plates-bandes (à chaque jour suffit sa peine... J'y vais par petits morceaux, le travail est énorme et épuisant).


          Et je ne cesse de me dire :

     « Pourquoi prier le Ciel de m'épargner demain, alors que déjà il m'épargne aujourd'hui ? Quelle insolence, que d'aller prier pour ce qui est DÉJÀ donné ? Ne devrais-je pas plutôt remercier et chanter des louanges chaque matin pour être en vie et jouir du chant des oiseaux ? » (1)


          Oui, bien sûr, on se répète cela et s'en fait une philosophie, mais on ne parvient pas à l'appliquer... Et même quand, finalement par grâce, le Ciel vous envoie l'épreuve, la situation qui vous confronte directement à vos peurs, on reste perdu. Oui, comme Jésus au Mont de Oliviers ! Et c'est là qu'est belle la religion chrétienne, dont la compassion accepte nos faiblesses les plus intimes.


          Cependant cette religion n'a pas toujours été aussi ouverte, je l'ai redécouvert hier en lisant par hasard les "Prières" du philosophe Pascal "pour le bon usage des maladies". Celui-ci souffrait paraît-il de graves troubles neurologiques, et si vous lisez ce seul extrait qui fut ratifié à l'époque par plusieurs curés (!), vous découvrez que La Fontaine, dans cette fable sur "Les animaux malades de la peste" que j'ai citée il y a quelque temps, ne se trompait pas du tout sur l'idée répandue alors que les maladies étaient des punitions de Dieu !!  Quelle erreur effrayante !!! Faire de Dieu un potentat méchant, alors que l'on connaissait le Livre de Job, dans l'Ancien Testament, où il est largement débattu de la raison des maux qui s'abattent sur l'homme juste, et surtout, alors que l'on connaît la position de Jésus par rapport au mal et à la souffrance ("que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre" ; ou "Père, s'il est possible, que cette coupe me soit épargnée").


          Non, Dieu ne fustige personne ; et ce ne sont même pas des "retours de karma" comme l'affirment certains. Au plan planétaire, il semble que guerres et calamités soient tout simplement nécessaires au maintien d'un certain équilibre biologique... Mais il faut le dire de très loin quand nous souffrons dans notre chair. Par contre, au plan individuel, tout ce qui se produit a pour seul but de nous faire grandir :

          - Nous faire grandir dans la confiance : car que savons-nous de demain ? Seul aujourd'hui est réel.

            - Nous faire grandir dans la compassion, l'amour ou la solidarité : soudain, tous les corps sont notre corps ; le virus se propage à grande vitesse, les réseaux télévisés et internet nous font vivre ce que vivent les autres de façon presque immédiate... Nous devenons alors tous les hommes ; tous ceux qui souffrent sont en nous.

              - Nous faire grandir dans l'humilité : car qui sommes-nous, pour prier pour autrui ? Les messes, les offices funéraires, les remises de sacrements ne sont plus possibles, de nombreux prêtres y ont laissé leur vie. Pire : c'est un rassemblement religieux avec son effusion de bisous qui a lancé l'épidémie dans notre pays à vitesse grand V !  Mais il y a plus que la prière : c'est la communion de pensée et de cœur dans laquelle nous nous retrouvons les uns avec les autres, dans cette reconnaissance inéluctable que jusqu'à présent, nous n'avons fait que jouer comme des gamins avec la Vie, mais qu'Elle nous dépasse ; qu'Elle nous dépasse infiniment.

     

     

    (1) J'imagine le lecteur qui va sauter en disant qu'on ne prie pas pour soi, mais pour les autres. Je dis alors que c'est du pharisaïsme. On croit, peut-être même de bonne foi, que l'on prie pour les autres. Mais c'est impossible. Soit on le fait par principe, du bout des lèvres, et alors c'est purement mental et totalement inutile ; soit on le fait avec son cœur, on le ressent, mais alors c'est parce que l'on s'identifie à l'autre, qu'on se met à sa place, comme s'il s'agissait de soi-même. Et là c'est une bonne chose bien sûr, c'est ce que j'évoque dans le dernier paragraphe. Enfin, dans mon cas - qui est aussi celui de plusieurs personnes - , je craignais pour des proches : alors c'est notre propre souffrance affective que nous redoutons.
    En conclusion, une véritable prière, née du profond de soi-même, ne peut s'élever que par rapport à ce qui est ressenti comme soi.

     

     

              

    « Comme l'herbeRûmî - Ode mystique n°365 »

  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Mars 2020 à 18:34
    Durgalola
    Ton texte est fort, je ne peux rien rajouter.
    J'aime la bonté de Pierre et Gérald.
    Quand nous prions pour les autres, c'est pour nous car nous sommes frères. Le mal dit quelque chose de très dérangeant. Il faut vivre avec. Nous apprenons toujours quelque chose.
    Je t'embrasse affectueusement. Portez vous bien
      • Samedi 21 Mars 2020 à 19:01

        Merci Andrée. C'est écrit un peu au fil de ma pensée et je me demande parfois si cela ne paraîtra pas confus car ma pensée évolue assez rapidement... Mais en rajouter pour expliquer est encore pire !  

    2
    Dimanche 22 Mars 2020 à 16:44
    daniel

    Drôle d'époque ou la souffrance et la solidarité se côtoient. Une grande leçon pour l'humanité qui, je l'espère de tout mon cœur, pourra peut être en sortir grandie !

      • Dimanche 22 Mars 2020 à 16:57

        Je viens de découvrir sur fb (vrai ou faux ?) que ces épidémies ont leur origine dans le saccage que nous avons fait de la nature ; ainsi des "micro-organismes" (= "microbes", je ne savais pas non plus que le mot microbe venait de là) qui autrefois vivaient tranquillement dans la nature sans nuire à personne mutent et s'attachent aux humains pour lesquels ils sont mortels... En d'autres termes : nous récoltons ce que nous avons semé ! Oui, cela ne peut que nous faire grandir.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :