• L'émerveillement

     

     

              Il est si difficile de parler de l'émerveillement...

            Comment trouver un mot, lorsque l'on est émerveillé ? Comment écrire des mots, lorsqu'on s'émerveille d'avoir une main, un doigt, un stylo ... De tenir ce stylo, de le sentir... De dessiner des lignes intelligibles, et de songer que penser soit possible, que déchiffrer puis comprendre ce qui est écrit soit possible ... ?

            À chaque instant tout change. Rien n'a jamais été pareil. L'émerveillement que je m'apprête à évoquer a déjà disparu dans le passé. Il appartient à ma mémoire.

         J'étais assise dans le jardin, la tête appuyée contre une branche de mon lilas lové comme un gros chat ; je le remerciais d'être là et il me répondait en faisant bruire ses feuilles, gentiment, comme s'il ronronnait...

           Le couchant avait projeté sur le cerisier une blondeur incroyable, qui peu à peu s'était muée en un rose duveteux. Je n'avais jamais vu cela.

            Et puis un joli croissant s'était dessiné dans le ciel, doux comme un menton d'enfant. Les pignons des maisons s'étaient peu à peu colorés à la lueur des réverbères orange...

             Les fleurs penchaient doucement leurs jolies têtes innocentes. Le ciel se muait en voûte obscure laissant apparaître une profondeur de plus en plus inouïe, d'où apparut, jailli derrière les branches, un clou étincelant : Jupiter ! Oui, il est bon de connaître parfois les noms des choses : ainsi elles deviennent familières et on les aime davantage...

               Comment tout cela pouvait-il apparaître, disparaître, demeurer suspendu, comme ces immenses nuages qui plus tôt flottaient dans l'espace je ne savais par quel mystère ?

           Des espaces infinis remplis de formes m'environnaient, et à l'intérieur des choses de plus l'espace infinitésimal me montrait sa vertigineuse vibration... Le boson de Higgs, disait une physicienne dans une conversation presque ordinaire, peut être trouvé grâce à un accélérateur de particules qui lance des protons à un milliard de kilomètres à l'heure ! Pour agiter "le vide quantique" poursuivait-elle, on provoque une énergie qui atteint 14 terra-électrons/volts... Je m'arrête, là je suis perdue... Miracle de ces propos, miracle de cette immensité ignorée de l'infiniment petit comme de l'infiniment rapide, miracle de la composition d'un Univers dont nous ne pouvons que constater instant après instant la stupéfiante splendeur...

           Mais l'esprit humain ? L'intelligence fabuleuse de cette femme, mais aussi nos émotions, nos sensations, nos créations, nos relations, nos aversions, nos attirances... l'amour ! Que de merveilles...

          Oui, il y a quelques années j'écrivais des poèmes pour célébrer la beauté des choses.

           Mais l'émerveillement dépasse tant et tant cette description. Un corps vivant, la transmission de la vie, un animal vivant, une plante vivante, une terre vivante, un univers vivant, tout cela est si prodigieux ! Tout est prodigieux, les expériences, les surprises, les découvertes, les rencontres ; le soleil, juste là pour nous chauffer ; la mer, les montagnes, les rivières et les forêts, juste là pour nous embrasser, nous envoyer leurs ondes bienfaisantes, nous ouvrir le cœur et nous offrir un cocon ou une porte sur l'infini... Un toit qui nous abrite et un lit qui nous reçoit, quelle beauté, quelle chance, quel bonheur ! À chaque instant oui, nous sommes aimés, et même le jour où nous serons perdus loin de tout et où il se trouvera un petit creux de terre offert pour nous y lover, ou un fruit tombé sur le chemin pour apaiser notre faim.

            Je ne peux dire tout l'émerveillement du monde ; et pourtant il me faut le rappeler, car l'esprit est si prompt au découragement et à l'oubli de ces cadeaux inouïs. La fatigue du corps peut y être pour beaucoup, c'est pourquoi il est si important de se souvenir que l'esprit dépasse celui-ci et lui survivra ; mais il faut aussi savoir que c'est ici cependant, dans ce corps même fatigué, qu'il nous est donné de contempler, et de nous nourrir de l'immensité de la Création dont nous sommes à la fois une infime parcelle et l'héritier béni.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 12 Septembre 2021 à 15:03
    Andrée
    Pour nous partager ce moment tu utilises la musique des mots. Il est impalpable ce moment, s'offre à nous . Vivons le. Bises de Cajarc.
    2
    Dimanche 12 Septembre 2021 à 19:59

    C'est vrai, dans un corps fatigué, on peine encore davantage à ressentir la beauté du monde

    Et pourtant cette contemplation de la beauté peut nous régénérer

    3
    Lundi 13 Septembre 2021 à 09:11
    daniel

    Un beau texte.....Une ode à la vie finalement ! S'émerveiller, c'est savoir rester en vie !

    4
    Lundi 13 Septembre 2021 à 15:01

    C'est beau ce que tu écris...

    J'aime être émerveillée. Rien que ce mot "émerveillé" me met en condition :

     Un soleil couchant, une fleur aux couleurs éclatantes, un oiseau qui s'envole, un croissant de lune, une pleine lune...

    Un jour qui se lève...

    Comme je regrette mon lilas, mon mimosa (dans mon jardin noémien en Haute-Garonne)

    Mais à Guéret je ne me plains pas. Sur mon balcon, j'ai une belle vue. Un cèdre majestueux en face de mes fenêtres, un jardin arboré... Je savoure.

    Bisous du jour

      • Lundi 13 Septembre 2021 à 15:49

        Savourer, c'est bien le mot... Bises, Kimcat.

    5
    Dimanche 26 Septembre 2021 à 16:59

    merci pour ton commentaire et très bon dimanche. Bises

    6
    Mercredi 13 Octobre 2021 à 15:33

    Petit coucou !

    Eh non je n'ai pas reçu ta newsletter m'avertissant que tu arrêtais ton blog sans le supprimer.

    Merci de venir me visiter. Tes commentaires me font toujours très plaisir.

    Bises du jour

     

      • Dimanche 18 Février à 10:49

        En fait j'ai remis ce blog sur la page "accueil", mais pour les abonnés, il y avait un article annonçant la fin du blog.

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