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    Je suis assise au jardin.

    La nature danse et palpite autour de moi.

    Une mésange s'accroche au support des boules de graisse et y picore avec délice.

     

    Sur ma tablette je découvre une application proposant de la musique classique.

    Quel étonnement ! Comme la vie se transforme et bouleverse nos habitudes ! Autrefois j'avais la radio, et lorsque je découvrais une oeuvre qui me plaisait je sautais sur une cassette pour l'enregistrer ; puis j'écoutais mes cassettes. Bien avant cela, j'avais un tourne-disque et des microsillons ; et je jouais moi-même aussi de la musique. Et puis j'ai eu des CD avec un lecteur de CD ; puis j'ai découvert des concerts à la télévision ; puis j'ai trouvé de la musique à travers l'ordinateur ; puis sur mon téléphone ; puis dans ma voiture avec une clé USB ! Et toujours cela a ainsi changé, changé, changé... Les sons surgissent du néant, avec cependant ce goût familier des choses que l'on aime, que l'on reconnaît avoir aimées.

    Et voici maintenant une application. Je la télécharge, je m'inscris, je fais une recherche, et je ne sais pourquoi me vient l'idée de demander le compositeur Ernest Chausson.

    On me propose alors le finale de sa symphonie. Pourquoi seulement le finale ? Je l'ignore, mais j'écoute.

     

    C'est alors tout un film de sensations, de souvenirs, d'exaltations, qui se déroule en moi... Mes parents apparaissent, qui sont disparus comme on le dit si bien ; je ressens tout ce qu'ils m'ont transmis, y compris l'humour quand surgit un thème me semblant issu du second mouvement et que je pense au "cyclisme", procédé de composition utilisé ici consistant à faire revenir "cycliquement" certains thèmes ; Ernest Chausson étant décédé prématurément des suites d'une chute de vélo, ma mère m'avait rapporté cette boutade : "Voilà où mène le cyclisme !"

    Je ris, je me love dans cette musique chaleureuse et puissante qui m'arrive de nulle part, produite magiquement dans l'air, et je songe à tous ces souvenirs qui s'effacent doucement comme la buée sur une vitre au soleil...

    Le monde m'apparaît alors comme un enchantement surgi lui aussi de nulle part, et d'où ne fuse que de l'amour, de quelque manière que ce soit...

     

    Être vivant, quelle beauté ! Quelle chance ! Quel privilège extraordinaire !

     

     

     

    Ernest Chausson - 1855-1899

     

     


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           Après une brève semaine en Bretagne, dans une région chère à notre famille où avec proches, enfants et petits-enfants nous avons fêté joyeusement quatre anniversaires franchissant une décennie, dont un me concernant, je reviens vous parler du petit livre que m'a offert pour cette occasion notre chère amie Durgalola.

          Elle a bien choisi avec Frédéric Lenoir dont j'avais déjà lu plusieurs essais, tel "La puissance de la Joie"; mais il s'agit cette fois d'un roman, intitulé "La Consolation de l'Ange".

     

    La Consolation de l'Ange de Frédéric Lenoir

     

          Il évoque la relation magique qui s'établit dans un hôpital entre un jeune homme de 20 ans qui vient de faire une tentative de suicide et une très vieille dame en fin de vie. Pourquoi se sont-ils retrouvés dans la même chambre ? Parce qu'il n'y avait plus de place bien sûr, mais aussi parce que la vieille dame, désignée par le prénom de Blanche mais dont on verra qu'il n'est pas son prénom d'origine, est connue pour avoir, malgré son état, une force morale et une joie de vivre exceptionnelles susceptibles d'avoir un effet bénéfique sur le jeune désespéré.

         Et ce sera en effet le cas. Sans vouloir dévoiler tout ce qui va bientôt émerger de leurs confidences sur leurs vies respectives, on sait combien l'expérience de personnes âgées ayant traversé de multiples épreuves parmi lesquelles une guerre mondiale peut apporter à de jeunes désorientés.

              Mais ici Frédéric Lenoir en profite pour distiller toute sa philosophie et en particulier sur le thème de la joie, en citant Spinoza après avoir stipulé que cette prodigieuse petite femme décharnée, qui a cessé de s'alimenter à l'aggravation de son insuffisance rénale, avait été professeur de philosophie et adorait l'enseigner à des jeunes comme ce Hugo. D'une mémoire indéfectible, la voici de plus récitant les Contemplations à son jeune ami, pour le féliciter de porter en prénom le nom de son poète favori - avec Baudelaire confiera-t-elle plus loin ! 

           J'ai lu avec plaisir par le passé les romans de Jean-Paul Sartre, axés sur le thème de la Liberté et développant sa philosophie à travers l'action. Mais là le souci pédagogique est encore plus évident, avec des citations fréquentes et même des conseils de lecture. C'est l'occasion d'opposer le doute de Hugo aux démonstrations apportées par Blanche, dans une sorte de dialectique que l'auteur essaie de rendre naturelle, en émaillant les dialogues d'évènements successifs qui font avancer petit à petit l'action vers son aboutissement attendu - le décès de Blanche et la libération de Hugo qui tire d'elle la force de renaître totalement, avec des accents qui me rappellent tantôt "L'Arbre de Noël" de Michel Bataille et "Le Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry - , et des parenthèses situées dans un autre temps dont on comprendra peu à peu la signification.

         Le défi est remporté, les personnages et les situations sont crédibles et fort émouvantes, le message passe aisément. Mais c'est toujours du Frédéric Lenoir, quelqu'un que j'ai toujours trouvé très gentil, adorable, plein de bonnes intentions et pourvu d'une culture incroyable, simple et montrant la simplicité en tout, et qui pourtant ne me touche pas vraiment... Sans doute parce que pour moi son discours n'a rien de nouveau, il ne fait que répéter du connu, et me donne l'impression d'un prédicateur qui vous fait le commentaire d'une page d'évangile à la messe.

         Ce m'est donc l'occasion d'observer comment se comporte mon mental : il cherche sans cesse du nouveau, de l'inédit, un "scoop" à se mettre sous la dent ! Mais quand bien même j'aurais rencontré Jésus, avec sa "Bonne Nouvelle", au bout de quelque temps l'effet "nouveauté" s'émousse et l'enthousiasme retombe. La morosité du quotidien reprend le dessus et même si l'on "sait" que là-dessous vit quelque chose de plus grand, la grisaille vous étouffe. Cet été gris, la fatigue liée à l'âge qui s'est considérablement amplifiée avec la suppression de la plupart de mes activités sportives depuis les débuts du covid en 2020, et les difficultés rencontrées par mon entourage que je m'épuise à chercher à aider, ont raison de ma joie de vivre. Et pourtant, j'en ai rencontré des êtres semblables à Blanche ! Mais ils n'ont pas totalement déteint sur moi... Je sais bien que la vie évolue par vagues et qu'après le creux, vient forcément la remontée ; mais je guette anxieusement celle-ci alors que la sagesse voudrait que je sache également apprécier les deux états sans faire entre eux de différence.

          D'ailleurs mes vacances n'étaient pas si mal. Je vous en offrirai peut-être quelques images ! Mais elles ne vaudront jamais ce parfum de réalité qui éclaire encore ma mémoire et baigne mon cœur de joie pour tant de paysages aimés retrouvés et tant de vie et d'amour partagés.

     

           

    Assise au bout de la pointe  

      (Un moment d'exception : échappée au bout d'une pointe ! Je n'ai pas osé escalader plus haut...)

    La Pointe de Begastel en Plouha 

     

     


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           Les grands randonneurs, les pèlerins le savent bien : marcher longuement a d'infinis pouvoirs sur notre mental anxieux et trop sollicité par le monde actuel.

          J'en ai observé les effets encore aujourd'hui, en me promenant dans les bois.

           Au début, je ne pus m'empêcher de laisser exploser tout ce que j'avais sur le cœur. Des tas de pensées m'agitaient, que je ne pouvais lâcher ; des tas de choses me gênaient, ou me manquaient : mes bâtons n'allaient pas, je m'arrêtais pour arranger mon sac à dos, pour sortir mon téléphone, je pensais à l'heure qui me semblait avancée, puis à boire, à enlever mon pull... C'était un véritable bouillonnement. Mes pensées sautaient vers l'avenir (pronostics, appréhensions), revenaient au passé (comparaisons, souvenirs) et je me disais bien que même en m'accrochant au présent je demeurais dans le brouillard le plus total, m'intéressant à peine au paysage que je pensais connaître par cœur mais seulement au fait de buter dans une ronce ou de ne pouvoir poser correctement mes bâtons, le sentier s'avérant trop étroit.

          Soudain un rayon de soleil fit exploser la forêt à mes yeux, et je m'écriai : "Tiens ! Le soleil !"

          Je vis alors que les pensées qui m'occupaient s'effaçaient enfin pour laisser place à la vision présente.

           Les arbres, les branchages au sol, les multiples petites plantes, les formes des racines, les bruyères, les papillons, les limaces, les moucherons s'emparèrent de mon attention, et je commençai à prendre quelques photos : tout me paraissait si beau soudain !

          Mais observant toujours mes pensées, je constatai qu'elles faisaient encore écran à la réalité. En effet, qui parlait du soleil ? Des arbres ? Des papillons ? Mon mental bien sûr, qui cherchait encore à poser des étiquettes, des concepts sur les choses.

            Pourquoi donner des noms et identifier chaque parcelle du paysage ? Pourquoi distinguer ceci de cela, chercher à mettre des mots sur les choses ? Bien sûr, l'écrivain y est obligé, le langage est un code servant à transmettre une expérience. Mais le peintre peut le faire tout aussi bien sans utiliser de mots ! Ce qui est perçu - vu, entendu ou ressenti - n'a pas besoin d'être défini, au contraire ceci freine, atténue la qualité de l'expérience. La véritable expérience, directe, est celle de l'enfant qui ne connaît rien et se laisse absorber par son ressenti sans rien identifier. 

            Petit à petit, à force de marcher, je découvris que, bien qu'étant souvent venue à cet endroit, je ne l'avais encore jamais vu tel qu'il m'apparaissait là. Aujourd'hui il était totalement nouveau, totalement inédit, totalement différent. Et bientôt, plongée dans la beauté du paysage et portée par le son régulier des bâtons au sol comme par la caresse du vent doux et tiède, ressentant le va-et-vient puissant de mon souffle en même temps que la légère douleur à l'orteil qui surgissait parfois, je disparus dans un ensemble indivisible qui constitua mon "être-au-monde" de l'instant.

           À ce moment, je rayonnai de joie, de la joie d'être et d'être si pleinement que rien d'autre n'aurait pu me combler. Le mental s'était enfin effacé... Tout brillait d'amour et de complicité, tout m'était familier, proche, bienfaisant, nourricier.

              

     

    Marche en forêt

     

     

     


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           Puisque ce blog est surtout pour moi un lieu où noter des leçons de sagesse, je n'y écris pas en permanence.

           Il était facile de relever des leçons puisées dans des livres ou sur internet, par vidéo ou communication écrite interposée. Cependant il arrive un moment où il faut savoir se taire, attendre et écouter, pour que ce soit la Vie elle-même qui devienne notre maître de sagesse.

           C'est alors que l'on peut découvrir, d'une façon encore plus profonde que jusqu'à présent, que ce à quoi nous aspirons si ardemment - conserver des moments heureux, garder ceux que nous aimons, obtenir ce qui nous semble nous faire du bien - ne peut être constamment disponible, à l'instar du soleil qui inexorablement se couche le soir, et doit être attendu une nuit entière pour être retrouvé... différent !

          En effet, voyant comme j'avais pu m'agripper à certaines choses ou à certains êtres, je pensais au Petit Prince qui, pour voir indéfiniment se coucher le soleil, avançait sans cesse sa petite chaise. Mais la nuit doit être affrontée ! Car ce que nous perdons peut nous être rendu sous une forme totalement inopinée, au moment le plus inattendu.

          J'en ai déjà des exemples dans ma vie. Oh ! Il y a bien des proverbes tels que "Une de perdue, dix de retrouvées", qui montrent que la sagesse populaire vient à notre aide. Mais tant que ce n'est pas vécu, cela ne peut être assimilé ni réellement compris ; et d'ailleurs ce n'est pas ainsi que cela se présente : en réalité, si vous perdez une chose qui a illuminé votre vie, vous pouvez retrouver, bien plus tard, une autre chose qui vous semblera l'illuminer cent fois plus. Cent fois plus, car ce sera présent, et imprévu ; cent fois plus, parce que vous aurez attendu longtemps.

         Ainsi, le beau temps après la pluie ; ainsi, le soleil du matin après une très longue nuit noire... Et le soleil du matin n'est-il pas mille fois plus resplendissant que celui du soir, qu'on a vu disparaître dans la brume ?

          Alors la leçon est celle-ci : il faut savoir s'abandonner avec confiance à tout ce qui se présente, même désagréable, même déchirant ; car le lot de la Vie terrestre est ce jeu de bascule dans un monde duel, et comme le savent bien les bouddhistes comme les alchimistes, c'est de la boue que naît le lotus resplendissant, c'est de la matière noire que l'on fait de l'or.

          L'or et la lumière ne périssent pas. Ils jouent juste à cache-cache pour que nous les aimions plus fort.

     

      

    L'agapanthe sourit au soleil

     

     

     

     

     


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    Photo récente de Jean-Yves Leloup

     

     

            Je m'étais inscrite hier soir pour suivre un "webinaire" d'une heure avec Jean-Yves Leloup. Celui-ci se présenta sous la forme d'une interview, ou plutôt d'une causerie d'une heure introduite par le responsable du site et d'où les interventions du public étaient exclues.

           J'apprécie énormément Jean-Yves Leloup et n'ai pas été déçue de l'entendre hier soir, mais plutôt assez émue. Il n'avait plus ce côté pontifiant qui m'a parfois agacée lors de longues conférences enregistrées sur le net ; on le sentait au contraire plus proche, plus impliqué dans son cœur, par les questions directes qui lui ont été posées.

     

            Revenant sur l'épisode de mort clinique qu'il a traversé, à Istanbul paraît-il (alors que j'avais cru que c'était en Grèce), il évoqua la découverte d'un immense espace de liberté, dont il se sentit privé lors de son retour dans l'espace confiné de son corps, et qu'il chercha ensuite à retrouver, grâce notamment aux techniques de méditation - et dans son cas, surtout de prière du cœur, de contemplation par amour.

            En effet, revenant à lui, il se trouvait dit-il face à la Basilique Sainte Sophie dans laquelle il entra. Elle était alors transformée en musée, mais il y rencontra une icône représentant Jésus, devant laquelle il demeura en arrêt, découvrant que cet espace infini lui était rendu par les yeux de celui-ci, posés sur lui...

            Il expliqua que la matière, dont le corps est constitué, n'est que la vibration la plus lourde de la lumière ; et que le mot "Dieu" vient du latin "dies" qui veut dire "jour". Ainsi, nous dit-il, voir Dieu c'est voir le Jour - ou vice versa : naître, c'est advenir à la vision de Dieu.

              Si nous nous interrogeons sur notre nature, nous observons que le corps est par nature inerte, et que c'est la Vie qui l'anime. Mais qu'est-ce que la Vie ? Qui l'a jamais vue ? Il en conclut que nous sommes formés d'invisible, manifesté en visible. C'est pourquoi le prologue de l'Évangile de Jean l'a toujours tant marqué, avec notamment le verset 18 qui indique :

    «  Dieu, personne ne l'a jamais vu ; mais le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est Lui qui l'a fait connaître.»

        « L'homme, dit-il alors, c'est celui où l'Univers prend conscience de lui-même.»

         Si en descendant dans les profondeurs de nous-mêmes nous rencontrons cet espace infini, nous savons qu'il est aussi notre conscience, notre conscience d'où tout émerge : respiration, pensées, jugements sur les formes perçues ou les évènements expérimentés, classements de faits en mémoire, projets, désirs... La perception de notre corps et de nos émotions émerge aussi de là, ainsi nous savons qu'elle nous crée cette conscience, sur laquelle nous n'avons aucune prise mais qui nous contient et nous porte. Lumineuse, elle nous attire inévitablement et c'est pourquoi nous l'appelons Dieu, et plus nous la chérissons par le cœur, et plus elle nous porte et nous protège des agressions du monde extérieur.

                Ainsi ajoute-t-il :

    « Qu'est-ce que la mort ? La mort de ce à quoi je m'identifie... c'est-à-dire la mort de nos limites. [...] Nous ne sommes pas seulement des êtres pour mourir, mais aussi des êtres ouverts à l'infini. »

              Et il termine en comparant la quête à une Odyssée, où il rappelle également la devise du chemin de Saint-Jacques, "Un pas de plus..." :

      «  Ulysse a eu lui aussi cette nostalgie de la Sophia *, qui le pousse à ne pas se laisser séduire, à ne pas s'endormir en chemin.»

    (* Sophia : la Sagesse infinie qui pour les gnostiques est Dieu lui-même)

     

         En effet, la Conscience qui nous anime, si Elle est infinie, n'est jamais trouvée ; il faut être en permanence ouvert à la voix qui appelle dans nos profondeurs pour nous libérer toujours davantage.

    « On devient Dieu, nous pas en s'enflant comme la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ; mais en s'humiliant, en s'ouvrant constamment à ce qui nous dépasse, jusqu'à disparaître comme disparaît la chenille qui devient papillon. »  (citation en substance).

     

         La vision de Jean-Yves Leloup, qui met l'Homme au cœur de la création en tant que seul canal d'expression du divin, et que le Divin utilise pour Se rencontrer Lui-même, est celle qui me parle le plus. L'Amour est alors au centre de cette réalisation, comme l'indiquent ces deux jeux de mots :

    « Croire, c'est croître ; et c'est grandir en liberté. »

    « Tout est mirage, mais aussi tout est miracle ! »

       Pour terminer sur : 

    « L'Amour, c'est ce qui nous rend vivants.»

     

           Merci encore infiniment, Monsieur Leloup, et merci surtout à l'Univers infini qui nous parle en permanence par des voix multiples, de toutes formes, mais toujours si douces.

     
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    PS : la séance peut être visionnée ici (ou ) en replay (elle était totalement gratuite).

     


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