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    Ulysse part la voile au vent,
    Vers Ithaque aux ondes chéries !

    Penché, œil grave et cœur battant
    Sur le bec d'or de sa galère
    Il se rit, quand le flot est noir, de sa colère.

    Georges Delaquys (1880-1970)


        Ainsi Olga Boulanger, dite Lili, évoquait-elle le retour certain de celui qui, sachant qu'il est parti, doit impérativement revenir.

         Dans le poème, Ulysse songe que son fils l'attend. Mais pour elle qui sait qu'elle va bientôt mourir dans la fleur de sa jeunesse, là-haut c'est son père qui l'attend, son "cher papa" perdu à l'âge de 7 ans mais qui fut toujours le phare de sa vie et à qui elle dédie son superbe psaume 130 : "Du fond de l'abîme, je crie vers toi, Iahvé Adonaï".

          Dans ce psaume une phrase particulièrement me touche :

    J'espère, je compte sur sa parole
    plus que les guetteurs de la nuit
    n'aspirent au matin.

       En effet, pour un guetteur qui a déjà connu le jour, il est évident que celui-ci succédera à la nuit. Mais pour celui qui sait qu'il n'existe que « Lui » - Iahvé - et que tout le reste n'est que faux-semblant, en quoi est-il besoin d'espérer ? Celui qu'il appelle est le support même de son être, déjà et toujours présent. Il n'a donc pas à l'attendre...

          De même Ulysse, concentré sur son but, ne verra nulle aventure se produire, si extraordinaire qu'elle soit ; ce ne seront que rêves, tandis que porté par le flot, où qu'il aille et où qu'il se trouve, il sera toujours à "I-thaque" - "I-shvara" - "I-ahvé", c'est-à-dire en « Lui ».

             Son œil est ouvert : il perçoit mais ne voit rien.

      


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           Mon père me récitait une petite fable en mouvement perpétuel qui m'amusait beaucoup mais dont je n'ai jamais pu me rappeler - ni retrouver - la partie centrale.

              En effet il énonçait lentement ce début :

    « La scène représente un désert... »

             Puis le débit de sa parole allait s'accélérant et s'amplifiant de plus en plus jusqu'à cette fin, de nouveau ralentie :

    « Oh-oh ! s'écrie la foule enthousiasmée ! 
    Et elle réclame une nouvelle représentation. »

            et enchaînait sur la reprise du début, presque chuchotée et très mystérieuse :

    « La scène représente un désert... »


             C'était un travail théâtral extrêmement rythmé et très proche de la musique.      

         Or, maintenant que se profile la pleine lune du Bélier (31 mars prochain) qui correspond énergétiquement à un travail à faire sur soi au sujet de l'agressivité, et eu égard à certains événements récents, je ne puis éviter de rapporter ce dont je me souviens du contenu intercalé à grande vitesse entre ces phrases.

           En voici à peu près (et abrégée) la teneur :

       Entre un tueur armé jusqu'aux dents qui menace d'abattre tout ce qui bouge et perce de plusieurs rafales les baraques d'un saloon qui s'effondre.

            À l'opposé surgit alors un cow-boy au grand cœur qui l'interpelle et lui ordonne de déposer ses armes.

            Sans se laisser impressionner, le bandit tire sur le cow-boy, qui riposte aussitôt.

            On entend deux déflagrations, et tous deux tombent, morts sur le sol !

           [ Oh-oh ! S'écrie la foule enthousiasmée ... ! ... ]

           

          Ainsi le cycle de l'action s'est annulé : du bon et du méchant, il n'en reste aucun.

        Et sans cesse se répète la scène projetée : la vie, la mort ; l'apparition, la disparition ; le début, la fin ; la parole, le silence ; l'agitation, le désert... 

          J'aime beaucoup cette évocation du Saṃsāra...

     

     


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           Le monde que je perçois est mon miroir, dit-on...

           Les personnes que je rencontre se comportent parfois comme le chœur antique qui, dans les tragédies de Sophocle, répond à l'héroïne pour soutenir ses différents états émotionnels. 

     

    L'héroïne

    «   Hélas ! mes sœurs, quelle douleur !

    Le choeur des suivantes

    - Ô popoï, ô popopoï ! Hélas ! Avec toi nous pleurons ! »

     

        Parfois l'héroïne jubile et le chœur danse de joie avec elle.


    « Quel bonheur ! Quelle chance insensée ! Dansons, rions ensemble ! »


      Mais parfois aussi le chœur exprime une idée possible et non présente à l'esprit de l'héroïne... 


    « Ne pleure plus ! Regarde :

    La lune qui se lève au-dessus du vieux puits...* »

    (*allusion à une mélodie de JG Ropartz)

        Et soudain c'est l'extase et toute la douleur s'envole.

     

             Ainsi se colorent les journées de l'héroïne dont je regarde les évolutions depuis mon fauteuil d'espace.

           Il y a des couleurs, du mouvement ! 

           Cela m'occupe... 

     

     


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              "Aime ton prochain comme toi-même".

              Cela ne veut pas dire : "occupe-toi de ton voisin" ou "inquiète-toi de ceux pour qui il est de bon ton d'exprimer de la compassion".

               Le mental adore cloisonner, fabriquer des devoirs, des mouvements à accomplir dans l'espace ou dans le temps, des personnes auxquelles s'attacher ou desquelles dépendre, faire des plans en établissant des étapes... Et tout cela est un labyrinthe infernal dans lequel on tourne comme une souris blanche dans un circuit fermé.

         

            Dans la réalité, l'expérience me traverse comme le vent passe à travers l'espace.

          Et "mon prochain" est tout simplement la prochaine rencontre (événement, individu, ressenti, n'importe) qui va se présenter à moi - exactement comme la prochaine vague qui va me traverser lorsque je nage dans l'océan...

           Et je dois simplement la reconnaître comme étant ma propre image, comme étant le simple flux de ma respiration, que j'aime en l'absorbant, en l'accueillant comme étant moi-même...

     

            Parfois c'est si évident ! Quelle douceur alors ! Quelle grâce !

            Mais la difficulté jaillit lorsque cela ne va pas de soi...

     

            Se laisser surprendre. Ne rien attendre. 

     

     

     


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          L'écoute est un vecteur privilégié pour se reconnecter à Soi.

          Du moins lorsque l'on est particulièrement sensible à la musique et que celle-ci porte un texte inspirant.

          D'où provient cette musique ?

           Comment a-t-elle été créée ? Comment parvient-elle à mes oreilles, à mon cœur ?

           Quel sentiment étrange l'accompagne, lorsque l'on pense qu'elle a été écrite par une jeune femme de 22 ans prodigieusement douée mais atteinte d'une grave maladie qui devait l'emporter à 24 ans ? Il semble qu'une force puissante s'exprime à travers cette frêle silhouette, et si l'on en écoute les paroles, quel saisissement ! Les voici, avec un lien pour écouter la musique simultanément.

    Lili Boulanger*, Psaume 24.


    Psaume 24 

    La terre appartient à l'Éternel et tout ce qui s'y trouve,
    la terre habitable et ceux qui l'habitent.
    Car Il l'a fondée sur les mers,
    et l'a établie sur les fleuves.

    Qui est-ce qui montera à la montagne de l'Éternel,
    et qui est-ce qui demeurera au lieu de sa sainteté ? 
    Ce sera l'homme qui a les mains pures et le cœur net,
    dont l'âme n'est point portée à la fausseté
    et qui ne jure point pour tromper.
    Il recevra la bénédiction de l'Éternel
    et la justice de Dieu son sauveur.
    Telle est la génération de ceux qui Le cherchent,
    qui cherchent Ta face en Jacob.

    Portes, élevez vos têtes,
    portes éternelles, haussez-vous,
    et le Roi de gloire entrera.
    Qui est ce Roi de gloire ?
    C'est l'Éternel fort et puissant dans les combats.
    Portes, élevez vos têtes,
    élevez-vous aussi, portes éternelles ! 
    Et le Roi de gloire entrera.
    Qui est ce Roi de gloire ?
    C'est l'Éternel des armées,
    c'est Lui qui est le Roi de gloire.
    Éternel. Éternel. Éternel. Ah !

     

          Sidération lorsque l'on entend cela en ayant face à soi la campagne enflammée de lumière à l'infini et les nuages étincelant au ciel immaculé.

          Que signifie "monter à la montagne de l’Éternel" ?

           C'est se défaire de tous ces vêtements inutiles, de toutes ces identités dont on s'est affublé, de toutes ces formes et de toutes ces images afin de devenir comme le ciel... vide à l'infini.

           Et alors, qui est le "Roi de Gloire" ?

            C'est tout ce qui explose là de beauté indicible, sans cause, sans origine, sans devenir, sans but...  !

           Les "Portes Éternelles" - les cinq sens qui permettent de voir et d'entendre ainsi que les facultés mentales qui permettent de saisir le sens et de ressentir la beauté -, ces Portes Éternelles, si elles se haussent, elles s'effacent progressivement pour qu'éclate la Gloire de Ce Qui était déjà là AVANT, et qui sera là TOUJOURS, et qui rayonne de royauté avec la puissance du Soleil :

         L’Éternel, en Soi, dans le cœur !

     



    * Décédée le 15 mars 1918.


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